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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 22:37

 

shadowLe monde des super héros est vaste et complexe . Mais si l'on excepte les deux maisons mères que sont DC (Superman, JLA pour les néophytes) et Marvel (Blade, Spiderman et consort), force est de constater qu'il ne reste pas grand chose à se mettre sous la dent. Les détracteurs les plus attentifs s'insurgeront et proclameront leur amour pour Image ou Dark Horse, nonobstant un petit aller retour dans les profondeurs apocalyptiquement cyniques des feux EC Comics.


Et pourtant, dans les limbes de ce monde dopé au spandex coloré subsistent malgré eux quelques perles : Zorro (à l'origine du Dark Knight, ce qui est parfaitement assumé par Bob Kane, excusez du peu), le fantôme du Bengale, Mandrake et bien sûr , celui qui nous intéresse aujourd'hui : le Shadow .


Le Darkman de Sam Raimi avait connu des débuts cinématographiques avant de poursuivre sa carrière en bandes dessinées. Le Shadow, plus ancien aura fait avec les moyens de son époque, à savoir emprunter le chemin des ondes hertziennes pour se vanter de ses exploits sur poste radio.


Le Shadow est construit sur une base simple : étant communément mortel et ne possédant pas des pouvoirs extraterrestres (merci Krypton) ni de facultés cachées se libérant en même temps que d'autres pulsions à l'adolescence dans un florilège de remises en question existentielles (merci les X men ... quoique le Juggernaut ou le Blob ne semblent guère traumatisés par tout ceci puisque ayant adopté la devise MDK), il n'y a pas 36 solutions possibles.


shadow 1En fait, que reste il à un simple humain pour se transformer en super héros ? Les processus littéraires ne sont pas légions: il suffit de prendre en compte le fait basique de vouloir défendre la veuve et l'orphelin. Quel est alors le point commun entre Don Diego de la Vega, Mandrake, Bruce Wayne et pourquoi pas même Tony Stark ? Une intelligence supérieure à la moyenne (contre Monastorio, Justin Hammer et autres déjantés tels Rasal'G'Hul et le Joker ou des magnats comme Justin Hammer, il faut tout de même assurer et conserver un certain sang froid), des adjuvants fidèles et de qualité (Jarvis pour les Vengeurs / Alfred pour Bruce Wayne ; Bernardo pour De la Vega... toujours du petit personnel en somme) , l'accès à des informations capitales via un réseau d'informateurs ou informatique et surtout.... du flouz ! Pas un super héros de cet acabit n'est un clochard. Et d'habitude, que font ces super richards ? Ils passent leur temps à gagner encore plus d'argent.


Prenons le premier exemple qui me passe par la tête : Picsou (oui je sais, j'aurais pu trouver mieux). Ce dernier dans ses innombrables aventures n'a jamais défendu autre chose que lui même. Et la seule fois où il a passé la cape, c'était encore pour le même motif, son neveu et sa nièce ayant refusé la mission (vous savez (ou peut être pas) Fantomiald et Super Daisy) pour des raisons peu avouables.


Mais pour le type de héros qui nous occupe, ce sont des événements bien particuliers qui les ont conduit sur la voie de l'héroïsme (et les pauvres doivent bien le rester, doublé d'un passéisme primaire qui plus est pour que nos braves petits soldats puissent avoir un terrain d'action).


De la Vega est devenu Zorro pour sortir Los Angeles de l'opprobre espagnole, Bruce Wayne a remis au goût du jour les capes noires pour que l'événement ayant détruit son enfance ne se reproduise plus, Tony Stark, après s'être libéré de ses geôliers a eu des visées plus mercantiles avant de devenir un Vengeur... Des schèmes classiques en somme.

Le Shadow de son côté (nous nous concentrerons sur la version cinéma bien entendue) a eushadow 2 un autre leitmotiv. Apparemment aisé lui aussi, ce dernier a dans sa jeunesse commis les pires forfanteries et a réussi à devenir un monstre redoutable, craint dans sa contrée d'adoption et n'hésitant pas à sacrifier quiconque se met en travers de sa route, inconnus comme proches (le comptable de ce dernier en a fait les frais).


Cette mise en bouche permet de remplir le quota d'exotisme imposé par le cahier des charges et les décors en résultant ne sont pas si mal construits que cela. A grands renforts de SFX au charme rétro (faisant agréablement écho à ceux de Superman le film de 1978) et de Mate Paintings, les principaux lieux du film nous sont dévoilés (au sens propre) via le temple de formation du Shadow et la grande tour urbaine de Kahn.

 
Le décor dans le fim de super héros en général est un élément principal. Excepté pour le Darkman (à la ville bien commune), des cités comme Gotham city (crépusculaire) , Métropolis (Lumineuse et moderne), Central City (très industrielle, donc toujours en avant dans le progrès, belle métaphore pour Flash)..... occupent un rôle prépondérant dans le façonnement mythologique même du héros. The Shadow ne déroge pas à la règle mais reste une fois encore une composition bâtarde, peinant à trouver ses propres marques sans le référencement quasi obligé de ses aînées. Sa ville est donc toute à la fois une symbiose de Gotham (pour les bas quartiers) de Metropolis (pour les passages avec Alec Baldwin) et de Central City pour tout le côté tuyauterie et industriel de réseau d'informateurs et d'information (on pourrait même y voir une volonté d'intemporisation caractéristique avec un univers à la chronologie floue comme ce fut le cas avec la série Lois et Clark qui possédait des 4x4, des portables mais un style vestimentaire et architectural indéniablement rétro).


Les pouvoirs du Shadow sont aussi une très belle réussite visuellement parlant et les effets spéciaux ont plutôt bien réussis à passer l'épreuve du temps. La bonne idée du réalisateur de Highlander réside dans la simplicité des moyens employés, jouant plus sur le suggestif (très bon marché) que le spectaculaire (onéreux et souvent inutile).

 

De fait, ce qui avait très bien marché pour Star Trek 4 (une succession incalculable de plans sur des vaisseaux ... invisibles puisque protégés par un bouclier d'occultation) refait des merveilles ici. Le pouvoir mental du héros est retranscris à travers des jeux d'ombres et de lumières, l'ensemble étant appuyé par le jeu (subtil mais pas trop) de Baldwin qui a à première vue pris beaucoup de plaisir à endosser masque et cape. Les différents effets de sa forme de brume, soutenu par des ambiances nocturnes, un voile cinéma salvateur et une réalisation convolant souvent avec le clip donnent de très bonne scènes d'action , souvent empruntes d'humour ou assumant pleinement leurs clichés (cf le sauvetage du futur noyé aux semelles de plomb...).


shadow 3Enfin, la révélation du Shadow lorsque ce dernier est soumis à un lumière vive est aussi très intéressante et reprend à son compte la première apparition de Batman dans le film éponyme de Tim Burton. Seule la silhouette du héros ressort (normal, puisque Shadow = ombre) mais elle retranscrite à l'écran en dessin animé. Tout ceci nous permet de voir pour la première fois dans un film en prises de vues réelles une ombre clouée au mur par une arbalète ou bien encore (mais le procédé n'est plus très neuf pour le coup) des pas courant dans l'eau et ne laissant aucune trace de leur passage - encore une référence hommage à un autre héros, l'homme invisible ( heureusement moins cheap cette fois dans la retranscription que le désastreux épisode de Lois et Clark avec une histoire abracadabrantesque de gangs et de tenues rejetant la lumière) démontrant une fois encore dont témoigne le héros à s'affranchir de ses aînés.


Le casting est lui aussi très respectable (on retrouve d'ailleurs l'ancien chef de l'inter gang et le papa de Raymond dans le rôle du chauffeur de taxi). Alec Baldwin joue un personnage convaincant et physiquement mastoc et cohérent. On passera l'aspect un peu ridicule et très Tarentula dans l'espace de son côté sombre avec pectoraux poilus, cheveux longs et forcément sales, nonobstant d'impressionnants ongles jaunes, sales et déchirés (qui nous laisse quand même savourer quelques bons moments de ridicule assumé) pour se concentrer plus en avant sur son interprétation métempsychosique de Bruce Wayne – je-suis-milliardaire-mais-je-m’ennuie-alors-je-fais-régner-la-justice. Une fois passé chez l’esthéticien, il est tout à fait l’aise et fait parfaitement illusion. On ne saura que trop apprécié le changement d’expression caractéristique de ce dernier lorsqu’il utilise un pouvoir psychique en se mettant à couvert dans une zone d’ombre providentielle.

 

Le personnage féminin, interprété par Penelop Ann Miller est quant à lui ) 1000 lieues du shadow 5perso de Vicky Vale. Frondeuse, engagée, n’ayant peur de rien et possédant elle aussi une bonne faculté de réception psychique, elle se révèle être la bonne surprise du métrage, ne jouant pas les faire valoir potiche mais agissant comme un complément du Shadow lui-même. Laissons enfin tomber les prestations « feuille d’impôt » de Tim Curry (où est passé le clown de Stephen King ?) et de Ian McKellen (1000 000 de fois plus convaincant et flippant dans le rôle de la Mort dans Last Action Hero) et notons la performance tout en second degré (quoique) de John Lone qui prend visiblement plaisir à jouer les Fatalis Imperator.


Ce triptyque de méta-humains (histoire de faire un clin d’œil à la trop oubliée Birds of Prey) permet également d’entrapercevoir le visage complet d’un seul et même personnage : la jeune fille renvoie à ce qu’aurait pu être la véritable vie du Shadow sans son passif un peu lourd, via une existence centrée sur lui-même et pleine d’insouciance. Kahn renvoie bien sûr à son côté obscur et sans contrôle, le personnage civil de Baldwin offre l’image du masque obligatoire pour cacher sa véritable nature en société (un peu à l’instar d’un Kent-Kal-El) tandis que le Shadow lui-même représente l’épanouissement total des facultés et une soif de rédemption obsessionnelle . Et là, le personnage prend enfin son indépendance vis-à-vis de ses trop célèbres aînés. Contrairement à Batman, Zorro, le Phantom voir même Iron Man, il n’a pas à exécuter une vengeance pas si manichéenne que cela pour éradiquer le crime , il n’a pas à défendre sa contrée (Los Angeles où la Jungle et la culture s’y rattachant) voir même à lutter pour préserver son entreprise.


shadow 4Les héros précités sont fondamentalement bons. Le Shadow , lui, était un être malfaisant qui cherche maintenant à contrebalancer le mal qu’il a pu faire dans le passé. La psychologie de ce héros, de simple éponge, se creuse considérablement alors et permet d’assister avec une joie primitive au grand final entre Baldwin et Lone. Le Shadow assume pleinement son potentiel, en costume, mais avec le visage du playboy. Plus de masque, plus de faux semblants mais simplement alors un accomplissement dans cette ultime leçon d’un maître à l’autre.

Je ne peux donc que trop conseiller de voir ce film souvent ignoré (d’autant plus que sortant maintenant chez Aventi, vous l’aurez sans peine à moins de 5 voire 3 euros), histoire de passer un bon moment, puis de le revoir en seconde lecture pour en apprécier toutes les finesses….
…. que je suis peut être le seul à voir sur un film prédestiné à être un blockbuster, mais bon.

 

 

 

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